Illustration artistique d’une supernova (crédit NASA/CXC/M.Weiss)

SN2023ixf est une supernova découverte par un astronome amateur le 19 mai 2023 dans Messier 101. Sa courbe de lumière, établie par quantité d'instruments montre son éclat augmenter pendant plusieurs jours, puis pendant plusieurs semaines se stabiliser et ensuite décroitre.

Il n’y a aucun doute qu'il s’agissait d'une supernova de type II dont l’origine est une étoile massive au sein de laquelle les réactions de fusions nucléaires produisent de plus en vite des éléments de plus en plus lourds jusqu'à remplir son cœur d'un élément qui ne fusionne avec aucun autre, le fer. La chaudière nucléaire s'arrête net, ce qui provoque l'effondrement du cœur de l'étoile, et la formation en son centre, d'une étoile à neutron ou d'un trou noir, en libérant un flux d'énergie gigantesque qui souffle les couches extérieures de l'étoile.

Marie-Anne Bizouard, directrice de recherches CNRS au sein du laboratoire Artemis (Observatoire la Côte d’Azur - Université Côte d'Azur - CNRS), a dirigé la publication de la collaboration LIGO/Virgo/KAGRA sur cet évènement. Elle explique : « Ces événements parmi les plus violents de l’Univers, sont assez rares : on s'attend à quelques supernovæ de type II par siècle et par galaxie.  Ils mêlent évolution stellaire, réactions nucléaires, production de neutrinos, explosion, étoiles à neutron et formation de trous noirs mais au-delà des grandes lignes, le scénario précis de l'effondrement reste mal connu. Seuls les signaux gravitationnels émis à ce moment permettront de savoir ce qui se passe réellement au sein d'une supernova. Mais pour les détecter, la difficulté est justement que ni leur forme ni leur puissance ne sont connus. » 

En ce qui concerne 2023ixf, les données électromagnétiques accumulées ont permis de préciser le moment de son apparition dans le ciel et sa distance, 21,8 millions d'années-lumière. Les images du Spitzer Space Telescope et du Hubble Space Telescope suggèrent que le progéniteur était une étoile géante rouge variable entourée de poussière, avec une masse comprise entre 8 et 20 masses solaires. Pour ce qui concerne la détection des ondes gravitationnelles, les antennes LIGO et Virgo avaient échoué à détecter SN2017eaw, localisée à la même distance, mais la sensibilité des antennes était deux à trois fois inférieure. Plus récemment, pendant O3, elles avaient aussi échoué à détecter SN2019ejj, à 50 millions d’années-lumière de nous.

« Nous avons donc scanné les données enregistrées par LIGO », reprend Marie Anne Bizouard, « à la recherche d’un flux d'énergie gravitationnelle » présent dans les deux détecteurs simultanément jusqu'à 5 jours avant l’apparition de la lumière. Cette durée est prise assez longue pour être sûr de bien prendre en compte le temps que la lumière met pour émerger des couches opaques de l’étoile et de la poussière. Durant ces 5 jours, les antennes LIGO avaient été actives ensemble quelques heures, environs 14% du temps. Le détecteur Virgo etait en phase de commissioning. C'est dans ce temps que des signaux de moins d’une seconde et de 50 à 2000 Hz de fréquences ont été recherché, sans succès.

« Cette absence de signal peut être due au fait que les antennes n'étaient pas fonctionnelles au moment du signal. Mais aussi qu'il était trop faible pour être détecté. La question est alors : que peut-on apprendre d'une non-détection d'une supernova de type II explosant à 20 millions d’années-lumière ? »

« Nous avons simulé toutes les formes d’ondes gravitationnelles possibles correspondantes aux modèles de supernovæ disponibles » : explosion déclenchée par les neutrinos, cœur en rotation rapide avec des effets magnétohydrodynamiques, instabilités dans l’effondrement, en tout 15 modèles qui conduisent à des signaux d'ondes gravitationnelles détectables à des distances variant d'un facteur 100 et même 1000 dans le cas d’instabilités. En l’état des connaissances, il est possible d’envisager pour certains paramètres que le signal aurait pu être détecté jusqu’à 45 millions d’années-lumière, et donc aurait été « audible » depuis la Terre pour certaines valeurs de l’ellipticité de la matière en rotation. Pour ce qui est des autres modèles, la distance maximale de détection est de 1,5 millions d’années-lumière.

Ces modélisations conduisent aussi à des contraintes sur l’énergie de l’explosion et la luminosité atteinte, plus fortes que pour les non-détections précédentes de SN2017eaw et SN2019ejj, d’un facteur de l’ordre de 10. Mais ces nouvelles contraintes restent encore insuffisantes d’un facteur au moins 10 pour discriminer les modèles. « Ce sont donc les explosions de supernovæ intervenant dans notre Galaxie, ou dans le Grand nuage de Magellan, ou même dans la galaxie d’Andromède à 2,5 millions d’années-lumière qui permettront très probablement de lever le voile sur les mécanismes à l’œuvre dans leur dynamique. »

SN2023ixf Image2

Energie des ondes gravitationnelles en unités de masse solaire multiplié par la vitesse de la lumière au carré (à gauche), ou en erg (à droite), en fonction de la fréquence d’un signal généré par une barre tournante instable avec une efficacité de détection de 50 % et un taux de fausse alarme de 2,1 par jour correspondant au bruit de fond observé dans les données.

La région bleutée contient les signaux émis par des instabilités de différentes durées, entre quelques millisecondes et 1 seconde (les durées sont données en légende). Le carré et le triangle jaunes représentent l’énergie maximale que SN2017eaw aurait pu émettre sans être détectée en 2017. La ligne pointillée horizontale indique l’énergie typique émise sous forme électromagnétique par une supernova et par une hypernova.

Contact

Marie-Anne Bizouard, marieanne.bizouard@oca.eu, Directrice de recherche  CNRS, laboratoire Artemis (Observatoire la Côte d’Azur - Université Côte d'Azur - CNRS).

 Lire l'article : https://arxiv.org/abs/2410.16565