Depuis 2015 et la découverte des premiers signaux d’ondes gravitationnelles provenant de la coalescence d’objets compacts extragalactiques, une révolution majeure s’est opérée dans notre approche de l’étude de l’Univers. Une nouvelle astronomie est née, dite “multi-messagers”, qui permet désormais d’étudier l’Univers à travers le prisme de divers messagers astrophysiques se propageant dans l’espace et le temps : la lumière, les particules et les ondes gravitationnelles. Après avoir ouvert de nouveaux champs d’étude en astrophysique et en physique fondamentale, cette astronomie multi-messagers apporte aussi une vue plus globale des populations d’objets et des phénomènes physiques les plus extrêmes dans l’Univers, pour lesquels des informations cruciales nous échappaient jusqu’alors.
La campagne 2019-2020 de détection des ondes gravitationnelles a permis aux interféromètres LIGO/Virgo d’envoyer 56 alertes de sources potentielles (dont GW190814, GW190412 et GW190425 ont été confirmées). Les télescopes optiques TAROT[1], conçus et opérés par des chercheurs d’ARTEMIS (CNRS/UCA/OCA) et de l’IRAP (CNRS/UPS), ont cherché à apercevoir une contrepartie visible pour 47 de ces 56 sources. Ils ont été utilisés dans le cadre du réseau GRANDMA (Global Rapid Advanced Network Devoted to the Multi-messenger Addicts) qui a coordonné la stratégie des observations au niveau mondial, en y incluant un programme de science participative. L’analyse des images n’a montré aucune source visible pouvant être associée aux sources d’ondes gravitationnelles. Néanmoins, ces non-détections ont permis de poser des contraintes sur les processus. La prochaine campagne de détection d’ondes gravitationnelles est prévue en 2022 et TAROT y participera.
L’un des premiers grands triomphes de cette nouvelle astronomie fût la découverte, en Août 2017, de la coalescence de deux étoiles à neutrons, par les détecteurs d’ondes gravitationnelles LIGO/Virgo et un vaste ensemble de télescopes, au sol et en orbite, observant les signaux lumineux produits par la matière éjectée, dans une large gamme spectrale allant du domaine radio jusqu’aux rayons gamma de haute énergie. Cette découverte historique fut le résultat marquant de la seconde campagne d’observation de signaux gravitationnels par LIGO/Virgo (run O2). Avec ces observations, les scientifiques ont commencé à lever le voile sur le rôle des kilonovae[2] dans la synthèse des éléments les plus lourds dans l’Univers. Ils ont eu la preuve observationnelle concrète, pour la première fois, que ces explosions, dues à des coalescences violentes, induisent l’éjection de plasmas à des vitesses relativistes qui donnent naissance à des sursauts intenses de rayons gamma. Enfin, l’ensemble du run O2 a mis en lumière la capacité extraordinaire de la communauté scientifique à s’unir autour d’un défi observationnel majeur, qui sera véritablement celui de la prochaine décennie : observer l’Univers en continu et en utilisant simultanément les différents messagers astrophysiques.
En Avril 2019, quand a débuté la nouvelle campagne d'observation O3, nous avions l’espoir de nouvelles découvertes et de détections conjointes de signaux gravitationnels et lumineux. Dès le début de O3, de nouveaux réseaux mondiaux de télescopes optiques avaient été constitués, pour répondre au nouveau challenge observationnel basé sur les leçons tirées du run O2. Parmi ces réseaux, le réseau GRANDMA (Global Rapid Advanced Network Devoted to the Multi-messenger Addicts) ; il coordonne les observations de 25 télescopes répartis dans 20 Observatoires à travers le monde, pour le suivi des alertes d’ondes gravitationnelles LIGO/Virgo. GRANDMA est la représentation typique du nouveau visage de cet astronomie multi-messagers collaborative, qui agrége les compétences riches et variées de plus de 70 scientifiques travaillant dans 29 instituts de 12 pays, et ce dans un seul et même but scientifique : détecter et caractériser les contreparties optiques des sources d’ondes gravitationnelles. Pour ce qui est de la France, le CNRS est présent à travers les laboratoires APC, ARTEMIS, l’IAP, ICJ Lab, LAM et l’IRAP, et le département d’astrophysique du CEA-Saclay pour l’Irfu. En outre, la collaboration GRANDMA a développé un programme de science participative unique appelé “Kilonova-Catcher”. destiné à un grand nombre d’astronomes amateurs qui peuvent ainsi participer à cette quête observationnelle passionnante.
ARTEMIS est très représentatif de cette nouvelle astronomie : c’est un laboratoire de recherche de l’Observatoire de la Côte d’Azur, dont l’activité centrale porte sur les ondes gravitationnelles. ARTEMIS est membre de la collaboration Virgo, et contribue à la construction du détecteur, à l'analyse des données et à l'interprétation astrophysique des résultats.
Mais ARTEMIS héberge aussi la tête du réseau de télescopes rapides TAROT dont l’un est situé sur le plateau de Calern, au-dessus de Grasse, dans les Alpes maritimes, et les autres au Chili et à la Réunion. Dans les années à venir, Virgo et TAROT continueront à rechercher des événements simultanément visibles en ondes gravitationnelles et en ondes électromagnétiques.
Vous pouvez consulter notre récente publication décrivant les travaux de TAROT, au sein du réseau GRANDMA, pour suivre les événements liés aux ondes gravitationnelles de LIGO et de Virgo.
[1]Télescope à Action Rapide pour les Objets Transitoires
[2]Une kilonova est le phénomène explosif qui permet la synthèse et l'éjection des éléments les plus lourds lors d'un sursaut gamma, par exemple provoqué par la fusion de deux étoiles à neutrons.