Les collaborations LIGO et Virgo annoncent la publication du catalogue de toutes leurs détections effectuées durant les deux périodes d'observations passées. Elles ont détecté avec certitude des ondes gravitationnelles provenant de la fusion de dix systèmes binaires de trous noirs de masses stellaires, et d’un système formé de deux étoiles à neutrons. Sur les dix signaux de fusions de trous noirs, six ont déjà été publiés mais quatre autres sont nouveaux.
Ces nouveaux événements qui apparaissent dans le catalogue ont été baptisés GW170729, GW170809, GW170818 et GW170823 en fonction du jour où ces signaux ont été détectés par les antennes. « Ce catalogue marque la transition entre les premières détections innovantes et l’exploitation systématique et scientifique de chaque source d’ondes gravitationnelles », explique Benoît Mours, coordinateur CNRS pour la Collaboration Virgo.
Le nouvel événement GW170729, détecté le 29 juillet 2017 pendant la seconde période de prise de données, est la source d’ondes gravitationnelles à la fois la plus massive et la plus distante jamais observée. Lors de la fusion, qui s’est produite il y a près de cinq milliards d’années, une énergie équivalente à celle contenue dans presque cinq fois la masse du Soleil a été convertie en ondes gravitationnelles. A cette date le détecteur Advanced-Virgo n'était pas encore en activité, et cet événement n'a été vu que par les deux antennes Advanced-LIGO (situées aux Etats-Unis).
Le signal GW170818 a été détecté par le réseau global formé par les trois détecteurs Advanced-LIGO et Advanced-Virgo (situé en Italie). Il s'agit d'une binaire de trous noirs distante de 2,5 milliards années-lumière, c'est la deuxième distance la plus élevée après GW170729. Sa position a été localisée de manière très précise dans une zone de 39 degrés carrés. C’est la source d’ondes gravitationnelles la mieux localisée après la fusion des deux étoiles à neutrons GW170817. Ces deux trous noirs d'environ 36 et 27 fois la masse du Soleil ont fusionné pour former un nouveau trou noir d'environ 60 fois la masse du Soleil. Aucun événement visible n'a été signalé par les équipes d'astronomes dans le ciel à ce moment.
Dans ce catalogue figuent onze signaux d’ondes gravitationnelles au total. Elles ont été clairement identifiées, grâce à l'utilisation de trois analyses indépendantes des données, qui donnent les mêmes résultats. « Le groupe d’analyse dont je suis responsable est fier d'avoir encore contribué de manière unique à ces nouvelles découvertes. En particulier, GW170729, le trou noir le plus massif jamais observé par LIGO/Virgo est clairement identifié par notre analyse de transitoire générique ("burst").» explique Marie-Anne Bizouard, une des responsables de l’analyse au niveau international, et qui travaille désormais à Nice.
« Ce catalogue résulte d’une réanalyse complète de tous les signaux reçus depuis le début. C’était nécessaire car nos méthodes ont évolué, elles ont été améliorées, nous avons mis au point de nouvelles techniques... Ainsi tous les événements détectés le sont avec les mêmes critères. Le catalogue qui est publié contient les analyses les plus précises et fouillées concernant les propriétés des sources (leurs masses, leurs spins, en tout onze paramètres), les événements marginaux qui n'ont pas été pris en compte, et les estimations de taux de coalescences de trous noirs et étoiles à neutrons dans l'Univers» ajoute Nelson Christensen, directeur du laboratoire Artemis.
« La publication de ce catalogue est une étape importante qui conclut la mise au point les méthodes qui devront être utilisées à partir d’avril 2019, durant le troisième run d’observation. Grâce au travail de toute la collaboration, et d’Artemis en particulier sur les lasers, nous allons détecter un nombre impressionnant de sources, peut être des choses nouvelles et inattendues. Le Graal, se sera de voir les ondes gravitationnelles du Big Bang. Il se peut qu’on les détecte en 2019 ! »
ARTEMIS fait partie des équipes de la collaboration qui ont fortement contribué au succès de ces détections. « ARTEMIS est responsable pour la partie expérimentale de la source laser de Virgo depuis le début du projet. ARTEMIS a ainsi conçu, mis au point, et intégré les différents systèmes laser caractérisés par une montée en puissance de la source laser de 20 W en 2001, puis 50 W en 2008, jusqu'à 100 W en 2018, et avec un objectif final de 200 W pour 2020 » rappelle Frédéric Cleva, ingénieur responsable du laser. « Ce sont ces différents systèmes, de par leur fiabilité, leur stabilité, et leur extrêmement faible niveau de bruit, qui ont permis de détecter les signaux gravitationnels durant les périodes d'observation O1 et O2. »
« La prochaine période commune de prise de données, dont le démarrage est prévu au printemps 2019, devrait nous apporter plus de signaux d’ondes gravitationnelles, ce qui augmentera d’autant le potentiel de découvertes pour l’ensemble de la communauté scientifique » ajoute David Shoemaker, porte-parole de la Collaboration Scientifique LIGO et directeur de recherche au Kavli Institute for Astrophysics and Space Research du MIT.
« Ce catalogue nous permet de prendre la mesure de la croissance rapide du nombre d’ondes gravitationnelles observées. Et ceci devrait s’accélérer durant le troisième run d’observation, grâce à l’amélioration de la sensibilité des détecteurs. Or un grand nombre d’observations permet, entre autres, d’accroître la précision des tests de la relativité générale. Un article de la collaboration sur ce sujet devrait d’ailleurs être accessible en ligne prochainement. », ajoute Olivier Minazzoli, spécialiste de relativité générale et de ses alternatives au Centre Scientifique de Monaco, et membre lui aussi d’Artemis, à l’Observatoire de la Côte d’Azur.
LIGO est financé par la NSF et piloté par Caltech et le MIT qui ont conçu et dirigé les programmes Initial-LIGO et Advanced-LIGO. Le financement d'Advanced-LIGO a été dirigé par la NSF, avec des contributions importantes venant d’Allemagne (Société Max-Planck), du Royaume-Uni (lScience and Technology Facilities Council) et d’Australie (Australian Research Council-OzGrav). Plus de 1 200 scientifiques du monde entier participent à ce programme au sein de la Collaboration Scientifique LIGO qui inclut la Collaboration GEO. La liste des autres partenaires est disponible sur le site internet http://ligo.org/partners.php.
La Collaboration Virgo compte plus de 300 physiciens et ingénieurs appartenant à 28 équipes de recherche différentes : six du Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS) en France, 11 de l’Istituto Nazionale di Fisica Nucleare (INFN) en Italie, deux aux Pays-Bas dont le Nikhef, le MTA Wigner RCP en Hongrie, le groupe POLGRAW en Pologne, l’Espagne avec l’IFAE et les Universités de Valence et de Barcelone, les deux Universités de Liège et de Louvain en Belgique, l’Université de Iéna en Allemagne et enfin l’European Gravitational Observatory, EGO, le laboratoire hôte du détecteur Virgo situé près de Pise en Italie et financé par le CNRS, l’INFN et le Nikhef. La liste des groupes membres de la Collaboration Virgo est disponible à l’adresse http://public.virgo-gw.eu/the-virgo-collaboration. Des informations supplémentaires sont disponibles sur le site Internet de Virgo : www.virgo-gw.eu.